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Omar Youssef Souleimane :
"Pour guérir du passé,
je me suis appuyé sur trois piliers : l’écriture, l’expérience et le temps."

Écrivain, poète et journaliste, Omar Youssef Souleimane est auteur de quatre ouvrages autobiographiques rédigés sans filtre et en toute humilité, publiés aux éditions Flammarion.

Le lecteur y découvre la vie d’un jeune syrien (aujourd’hui naturalisé Français) né en 1987 à Al-Qutayfah, près de Damas, poussé à quitter son pays en 2011 pour différentes raisons politiques. En 2012, il arrive en France, et décide de ne pas la quitter.

Pour MØNEO, Omar Youssef Souleimane se livre de nouveau sur son histoire et celle de son écriture.

Quelles ont été vos motivations pour commencer à écrire ?

J’avais besoin de m’exprimer, de poser un regard sur le monde qui nous entoure. Surtout, je voulais

écrire pour comprendre : le monde, les gens, et moi-même. Pour moi, la compréhension est le plus important.

 

Pour vous, la poésie est-elle un moyen de s’accrocher à la réalité ou bien de s’en échapper ?

Les deux. La poésie permet d’être en harmonie avec la réalité.

Pour en écrire il faut être engagé, défendre une cause ou une idée. Cela permet de rester très proche du réel, de la vérité.
Les côtés imaginaires et linguistiques de ce genre littéraire ne sont pas faits pour fuir mais bien pour recréer le monde à travers la langue. Le poète met en lumière un univers parallèle au monde au sein duquel nous vivons, qui est souvent très brutal, comme pendant la guerre par exemple.

 

Vous choisissez de rédiger vos livres en français, dans la langue de Paul Éluard, poète que vous appréciez particulièrement. A-t-il été difficile de prendre cette décision ?

Non.

Ce fût un choix aventureux car le Français était nouveau pour moi, je n’ai commencé à l’apprendre que quelques années avant de l’utiliser pour écrire.

Cependant, je suis amoureux de cette langue et de sa littérature. La première fois que j’ai commencé à composer en français, j’étais rempli d’adrénaline, comme avant chaque début de rédaction. Mais cette fois-ci, c’était d’autant plus intense car j’avais hâte d’écrire en français, j’en étais même flatté et ému.

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© Flammarion

Pourtant, dans Le Petit Terroriste, publié en 2018, le lecteur trouve à chaque nouveau chapitre un court vers écrit en Français puis traduit en arabe. Pourquoi ? Qu’est-ce que cette traduction signifie pour vous ?

 Ce sont des textes que j’ai moi-même écrit d’abord en arabe.

C’est assez fou de les écrire dans une langue étrangère puis de les traduire dans ma langue maternelle, mais j’adore ce jeu.

Intégrer dans son livre la langue d’un pays dans lequel on n’a plus le droit d’entrer, ça peut paraître ironique. Mais je suis bilingue, je porte en moi deux identités, deux cultures. Cela m’offre une compréhension de l’autre : c’est un fait riche et joyeux dont je ne veux pas me détacher.

Aussi, je trouve la langue arabe magnifique ; elle a une longue histoire, une douce sonorité et surtout, j’adore les calligraphies de chaque langue, y compris celle de l’arabe et je voulais qu’elle fasse partie du livre.

 

À travers vos ouvrages, vous évoquez certains des détails les plus personnels de votre histoire. A-t-il été parfois difficile de les écrire, de les raconter dans leur entière vérité ?

 Je n’ai plus de famille, je n’ai plus rien, plus rien à perdre.

Dans cette situation, on devient bluffant : je ne vis plus à travers le regard des autres, ne prête plus attention à leurs opinions : je peux parler honnêtement de ma vie intime.

Selon moi, il n’est pas possible d’écrire si on ne dévoile aucun secret à propos de sa vie, de ses expériences. Pour écrire il faut être très courageux, sinon, ce n’est pas la peine de le faire.

 

Alors, les réactions suscitées par ce que vous écrivez à propos de votre rapport à la religion ou au Proche-Orient ont-elles été difficiles à gérer pour vous ?

Non. Je suis habitué aux menaces, au harcèlement.

La violence fait partie de la vie, c’est récurrent d’être agressé lorsqu’on est engagé, qu’on écrit sur des sujets publics. Je ne prête pas attention à cela.

 

Vous n’étiez donc pas surpris par la vague de haine qui vous a touché après vos premières publications ?

Je n’étais pas surpris des menaces islamistes car j’ai vécu avec ceux qui les envoient, je sais comment ils réfléchissent ; j’étais surpris de la réaction de certains Français. Notamment d’une partie de la gauche française qui, depuis 2018, m’accuse d’être d’extrême droite ou raciste en s’appuyant sur ma critique de l’Islam.

Vous écrivez souvent à propos de la déshumanisation. D’abord dans Le Petit Terroriste en racontant qu’un médecin modifie complètement votre visage, puis dans Être Français en affirmant « Au début je n’étais qu’un fantôme ». Comment êtes-vous parvenu à vous retrouver voire, à vous trouver après toutes ces épreuves ?

J’y suis parvenu grâce à l’écriture ainsi qu’à l’expérience du quotidien.

Quand on est arraché du jour au lendemain à sa Terre natale, on est victime de dissociation (c’est un terme connu en psychologie). Alors, on a besoin de temps pour réaliser qu’on vit vraiment dans ce nouvel environnement, dans cette ville, avec ces gens… Pour guérir du passé, je me suis appuyé sur trois piliers : l’écriture, l’expérience et le temps. Ainsi, je me suis retrouvé en tant que nouveau Français vivant entre plusieurs cultures.

 

Dans votre dernier livre, publié en 2023, Être Français, vous parlez d’une sorte de renouveau, de votre joie votre fierté d’être devenu français. Que la France vous apporte-t-elle aujourd’hui ?

La France m’apporte une réelle présence, l’appartenance, la citoyenneté, un avenir, de l’engagement, et la liberté d’expression.

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Pour finir, si vous pouviez parler à la personne que vous étiez il y a 11 ans, lorsque vous avez quitté la Syrie, que lui diriez-vous ?

Je lui dirais cette phrase : « Il faut toujours garder espoir. »

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Saty Dosso

© Flammarion

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