Nao Monchois :
"C’est important d’avoir un équilibre de vie pour être fort dans son sport"
Nao Monchois, champion de France d’escalade en difficulté revient pour MØNEO. sur son parcours et sur l’escalade qui figure à Paris, pour la deuxième comme une épreuve des JO.
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Je m’appelle Nao Monchois. J’ai 25 ans. Je fais de l’escalade depuis une quinzaine d’années. Je suis champion de France en titre et membre de l’équipe de France de difficulté. Je suis licencié à Besançon dans le club Entre-temps Escalade. J’ai déjà atteint une finale en coupe du monde de difficulté en 2021. J’ai été champion de France junior et 5ème au championnat du monde jeunes en 2019.
En dehors de l’escalade, je suis actuellement en dernière année d’école d’ingénieur à ENSGI Grenoble INP. L’école valorise les parcours atypiques et j’ai la chance de suivre un cursus aménagé en 8 ans pour pouvoir concilier les deux. Je suis également soutenu par la fondation de mon école qui m’aide financièrement et dans ma recherche de stage qui se complexifie face à mes contraintes liées au sport.
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Pourquoi avoir choisi l’escalade en « difficulté » ?
Il faut savoir qu’en escalade, il existe 3 disciplines : le bloc, la vitesse et la difficulté.
Le bloc se pratique sur une structure de 4m50. C’est un effort qui est plus court, explosif. C’est de la force pure et technique. On a droit à plusieurs essais. Pendant un tour il y a 4 ou 5 passages en un temps imparti. Pour la vitesse, le but est d’aller le plus vite possible face à un adversaire. La vitesse c’est quasiment un autre sport. En terme d'entraînement, on se rapproche plus de l’athlétisme. En vitesse, il faut beaucoup de répétitions. L’improvisation n’y a pas sa place : c’est un 100 mètres mais en plus technique !
Je suis spécialisé en difficulté. Le principe c’est qu’on est face à une voie à grimper en 6 minutes. En réalité, le temps n’est pas une contrainte, il faut aller le plus haut possible. C’est un effort qui est assez endurant. On ne connaît pas les voies à l’avance. Aussi, on ne voit pas les autres grimper. C’est en un essai donc si on tombe c’est terminé. Les prises sont numérotées de bas en haut. L’objectif est d’atteindre la prise avec le plus haut numéro.
La difficulté c’est là où je suis le meilleur donc c’est ce que j’ai choisi. Le bloc et la difficulté sont assez complémentaires. Je fais aussi du bloc à l'entraînement pour progresser en difficulté. J’ai même participé à quelques compétitions de bloc.
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Certains vivent de l’escalade à haut niveau aujourd’hui ?
Il y en a qui en vivent et même certains en France. Les athlètes du top 10 mondial vivent bien à très bien. Je dois être dans le top 30 mondial je pense. Du 10ème au 50ème, les revenus sont assez aléatoires. Si tu arrives à avoir de la reconnaissance, il y a moyen que ça marche. Je ne dis pas que c’est facile.
Souhaiterais-tu en vivre ?
Je ne peux pas en vivre aujourd’hui même si j’ai des revenus liés à l’escalade.
J’ai aussi envie d’être ingénieur. Je suis en dernière année de mon école en bac+5. J’ai étalé mes études sur 8 ans. Mon plan de rêve serait de travailler comme ingénieur à 60% et en parallèle faire du haut niveau en escalade.
As-tu constaté un changement de visibilité vis-à -vis de l’escalade depuis les JO de Tokyo ?
Pour ceux qui vont aux Jeux, ça a eu un impact. Les partenaires sont plus gros. C’est une compétition qui nous sort du cadre de l’escalade. Les JO nous ont apporté de la visibilité. Pour l’instant, il n’y a pas de répercussion en dessous du top 15 mondial.
Il y a une plus grosse médiatisation. Avant, les compétitions d’escalade étaient diffusées sur la chaîne YouTube de la fédération. Depuis quelques années, c’est retransmis sur des grandes chaînes comme Eurosport.
Tu t’attendais à revoir l’escalade aux Jeux de Paris ?
Oui. Le but des Jeux de Tokyo était d’amener l’escalade comme un test.
En 2021, le format proposé était un combiné des 3 disciplines. C’est intéressant mais en même temps ça mélange des sports qui n’ont, sur certains points, rien à voir entre eux. C’est fait pour introduire le sport au grand public.
A Paris, quelques changements sont apportés. Il y a la vitesse d’un côté et un combiné bloc et difficulté de l’autre. A terme, le but de la fédération serait d’organiser une épreuve par discipline et un combiné qui ressemblerait à celui des Jeux de Tokyo.
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Aimerais-tu participer aux Jeux ? Ceux de Paris ou plus tard ?
Je suis spécialisé en difficulté et je pense que je ne suis pas assez bon en bloc pour prétendre faire quelque chose dans un combiné bloc et difficulté. Si d’aventure, il y a une séparation des médailles pour les Jeux de Los Angeles ça peut me chauffer.
Pour les JO, c’est une commission de sélection de la fédération qui choisit des athlètes susceptibles d’être médaillables. Il y a 5 ans le spectre des grimpeurs était assez large. J’étais dedans au début.
Si je veux avoir une chance, il faut que ce soit seulement une épreuve de difficulté.
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Peux-tu parler de ta plus grande fierté depuis le début de ta carrière ?
Je pense que c’est l’année dernière. J’ai gagné le titre de champion de France de difficulté chez les seniors. Quand tu étais un gamin français, tu as forcément la référence du champion national. Même si cela peut sembler moins énorme que de gagner un championnat du monde, dans mon imaginaire c’est quelque chose qui est ancré depuis que je suis petit. Je voulais avoir le titre au moins une fois.
Au championnat, le niveau est très dense donc il ne faut pas faire d’erreur. Je savais que si je grimpais à mon meilleur niveau, j’avais une chance de gagner. Ça se joue à rien.
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Aurais-tu un message ou un conseil à ajouter ?
Dans n’importe quel sport, je pourrais donner comme conseil de garder un équilibre avec la vie étudiante ou professionnelle. C’est important d’avoir un équilibre de vie pour être fort dans son sport. Aujourd’hui, beaucoup de sportifs s’y perdent parfois. A vouloir trop s’investir, on ne s’investit pas toujours correctement.
Amélie BONIFACE
Une : © arth.pixe