Faustine Clapier :
"En escrime on peut tout faire en un an, dont se qualifier aux jeux.?"
A 9 mois des JO de Paris, Faustine Clapier poursuit toujours son objectif de qualif à l’événement de l’année 2024 !
Pour ce faire, la jeune escrimeuse parfait sa prépa à l’INSEP qu’elle a fini par rejoindre cet été.
Une année chargée attend donc l’Orléanaise, qui s’élève aussi face à l’inaction des fédés en faveur de l’environnement.
Comment allez-vous ?
Je suis dans une période assez spéciale en fait… Je suis orléanaise et je m’entraînais jusque là dans l’Académie Internationale de Préparation aux JO, avec plein d’étranger et celui qui est considéré comme le meilleur entraîneur du monde. C’est la concurrence de l’INSEP en quelque sorte.
Mais l’entraîneur était très compliqué à vivre, comme beaucoup d’entraîneurs, et la communication ne passait plus.
J’ai alors décidé d’intégrer l’INSEP où je retrouve un groupe de Françaises dont certaines sont déjà en Équipe de France ou médaillées aux Jeux par exemple. J’avais déjà un ticket d’entrée à l’INSEP mais je ne me sentais pas prête ; là c’est le bon moment !
Malheureusement mon ancien entraîneur l’a appris trop tôt et m’a viré deux mois avant la fin de saison dernière.
À un an des Jeux je me retrouve dans un environnement totalement bouleversé : je change de groupe, d’entraîneur, de façon de vivre ; loin de chez moi. C’est très excitant et stressant à la fois.
Le plus important pour moi est de me sentir bien dans ma tête, sortir d’un environnement néfaste. La tête, c’est 60 % de ma perf. Je ne suis pas dans les favorites, je n’ai pas cette pression pour Paris 2024. Mon objectif est plutôt 2028, autant changer maintenant;
Qu'est ce qui vous a conduit à l'escrime ?
Mon grand frère avait commencé à en faire et j’ai voulu l’imiter. J’ai commencé par le fleuret, puis le sabre au Cercle d’escrime Orléanais où les entraîneurs ont repéré mon potentiel pour performer à haut niveau. Cela fait maintenant 13 ans !
© Faustine Clapier
Quand on est jeune, est-ce facile de pratiquer près de chez soi ?
C’était un gros atout d’avoir près de chez moi le Cercle d’Orléans, où un entraîneur m’a beaucoup formée.
Pour un sportif de haut niveau, c’est important d’avoir un environnement stable et d’installer une routine. J’avais tout à proximité, ma famille et mon club. Le pole France féminin s’est installé à Orléans, puis l’entraîneur international est venu. Tout était aligné pour que je puisse pratiquer et performer !
Qu'est ce qui fait selon toi tes qualités et donc une bonne escrimeuse ?
Il y a 2 types de tireur.se.s : ceux qui sont instinctifs, dans le ressenti de l’instant présent ; et ceux qui sont cérébraux, qui ont une intelligence du jeu. Je suis plutôt cérébral. Ma principale force est mon mental. J’aime jouer avec mon adversaire, établir une stratégie, comme aux échecs !
On sait qu'en France c'est pas toujours simple d'allier pratique sportive et études, ça a été votre cas ?
C’est difficile de vivre de l’escrime. Je suis sur liste ministérielle en tant que Sportive de Haut Niveau ce qui me permet d’avoir des aménagements d’études. En allant à l’INSEP, je ne peux plus suivre les cours… Je me tourne vers une licence de psychologie en distanciel, plus pratique, dans un domaine qui me correspond bien.
© Faustine Clapier
Faire des études au cas où, cela vous rassure pour votre avenir ?
C’est absolument nécessaire. Dans la vie de tout sportif, en particulier en escrime où l’on n’amasse pas beaucoup d’argent, la carrière finit par s’arrêter. Quand le sport s’arrête, tu n’as plus rien ! À part si tu fais des études au préalable.
Les études me permettent aussi de me vider la tête, de me développer dans un autre sujet.
Les JO arrivent bientôt ; est-ce dans un coin de ta tête ?
C’est entièrement dans ma tête ! Une année olympique chamboule tout l’environnement. Tout le monde ne pense qu’à ça. L’escrime est un sport où l’on peut tout faire en un an. Je peux encore me qualifier aux Jeux. Même si certaines sont encore devant moi, il faut être réaliste. Mais elles ont aussi beaucoup plus de stress et pourraient flancher.
Être solide mentalement permet d’être bien sur la piste. On connaît toujours plus de défaites que de victoires. Il faut trouver le bon timing pour gagner.
Le public français sera-t-il vraiment une clé pour vos perfs ?
Peut-être, oui. Le CNOSF joue beaucoup dessus dans sa com. La population française est 2x plus intéressée par le sport dans une année olympique.
Est-ce que vous entendez l'extérieur ou vous êtes dans votre bulle ?
Je suis à 100 % dans mon adversaire et l’arbitre. Le reste est du superflu qui peut me faire dévier. Je n’escrime pas pour quelqu’un d’autre, même si je partage la joie d’une victoire avec ma famille et le public.
Est-ce qu'il vous reste des échéances à passer encore ?
Grosse saison à venir ! 8 Coupes du Monde dont 2-3 Grands Prix (en individuel et rapportent plus de points). J’aurai beaucoup de stages à l’étranger aussi. Tout ça pour me familiariser avec le jeu des étrangères.
Cette année les compétitions auront lieu à Alger, Tunis, Orléans, Lima, Athènes, ou encore Séoul.
On part 1 semaine à chaque fois. On est tout le temps en avion, jetlagué, dans une autre culture. C’est assez fatigant.
© Faustine Clapier
Est-ce qu’il y a une nation qui sort du lot ?
Il y a les Russes, mais ils n’ont pas fait de compétitions depuis 2 ans vu le contexte. Elles sont revenues au Mondial individuel. Leur environnement est très spécial car cela peut créer des tensions avec des Ukrainiennes ou des sportives qui expriment leur soutien à l’Ukraine. Une Ukrainienne avait refusé de serrer la main à son adversaire russe.
Les Italiennes et les Hongroises sont très fortes. Et en Asie les Japonaises, dont une est n°1 mondiale, et les Coréen.ne.s sont très fortes.
Depuis maintenant 3 ans vous enchaînez les podiums au niveau européen. Est-ce un avantage d'arriver en tant qu’outsider aux JO, plutôt qu'avec l'étiquette de médaillée d'or ?
Ça dépend ! Il y a les outsiders qui sont déjà dans l’Équipe ; et celles comme moi qui ne sont pas encore attendues pour les Jeux. Forcément on va appréhender la saison avec moins de stress que celles qui jouent peut-être leurs derniers jeux, ou qui veulent arrêter pour avoir un enfant.
On est jeunes, pas forcément attendus. Donc on peut se retrouver contre des étrangères qui auront beaucoup de pression.
Une message à faire passer ?
Ces derniers temps dans le sport j’essaie de m’investir dans l’écologie. Je trouve que les fédérations font très peu d’effort. Pour l’empreinte carbone, il faudrait faire l’effort de prendre le train plutôt que l’avion ; privilégier les stages en France plutôt qu’à l’étranger. J’aimerais bien que les gens puissent voir que c’est très important de penser écologie dans le sport. On a beaucoup de pouvoir, surtout sur une année olympique. C’est là qu’il faut utiliser notre influence pour faire passer des messages pour la planète qui se meurt pendant que l’on vit notre vie…
Arthur PUYBERTIER