Pi'erre Haessik :
"Photographier son idole est un rêve qui s'accompli mais un mythe qui se casse. "
Après 6 ans de travail pour les réseaux sociaux de la NBA, Haessik a décidé de vivre le rêve américain. Il travaille en tant que photographe freelance, au plus près des plus grands athlètes du monde de la balle orange.
Il revient pour MØNEO sur ses rêves et son parcours hors norme, dans lequel la confiance a une place primordiale à ses yeux.
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Quelle est ton expérience avant d’en arriver là ?
J’ai 24 ans, mais avant ça, en troisième, j’avais lancé un compte Twitter « NBA France », quand peu de médias existaient. C’était de petites communautés de 10-15.000 abonné.e.s. En lançant NBA France, c’était le début de ma carrière. J’ai géré ce compte pendant 1an jusqu’à sa suspension par la NBA pour des droits d’identité. En parallèle, le compte affilié NBA France apparaît, je me suis senti coupé dans mon élan alors que j’avais initié le mouvement en Europe.
Il a fallu relancer une autre page, Parlons NBA, où j’ai retrouvé une liberté.
À la fin du lycée, j’ai quitté l’université avant de contacter le gars de NBA France. Une semaine après, il m’a proposé de le remplacer pendant ses vacances. Mais ça ne me suffit pas pour vivre, j’ai dû développer mon entreprise tout en travaillant à coté.
J’ai pris des piges par ci par là, les premiers matchs à Paris arrivent : j’ai eu toujours plus de travail.
En partant en vacances aux USA, j’ai assisté à des matchs NBA et j’ai tout de suite su que c’était là que je voulais poursuivre ma carrière. J’ai dû attendre l’après-COVID début 2022 pour emménager aux États-Unis et développer mon activité.
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Qu’est-ce qui fait la force de la photo, à l’époque Tik Tok, réels, vidéo ?
La vidéo reste en tendance 2-3 jours, c’est très éphémère, la photo permet de sauvegarder une histoire. Les photos ont un côté physique, imprimable à la fois en papier et dans les mémoires que la vidéo n’a pas. C’est important pour archiver, ou exposer dans des musées. Il y a des reliques photographiques qu’il a fallu que quelqu’un capture pour ne pas perdre un moment. Personnellement j’ai des photos de Victor Wembanyama dont la valeur pourrait être inestimable dans 20 ans !
© Pi'erre Haessik
Comment définirais-tu la bonne photo ?
Il n’y a pas toujours la relation avec le photographié, qui donne une bonne photo. Dans tous les cas il faut de l’émotion et un peu de chance aussi car il faut être au bon endroit au bon moment pour capturer l’émotion ou l’instant.
N’as-tu pas peur que l’accessibilité du matériel photo et vidéo ne tue le métier ?
Je ne pense pas, tout reste basé sur l’humain qui fait que l’on se tourne toujours vers quelqu’un que l’on connaît et en qui on a confiance. Je ne vois pas mes clients prendre quelqu’un d’autre « parce qu’il a une caméra ». Il y a tout un savoir-faire. On ne pourra pas m’enlever mon expérience, mon relationnel avec les joueurs, staffs, pour savoir où être à tel moment. Ça facilite énormément de choses.
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Est-ce qu’il y a une production marquante parmi tes réalisations ?
C’est compliqué d’en ressortir une en plusieurs années de travail. On a toujours l’impression de bosser en équipe, chaque saison est un accomplissement en équipe. Mais j’ai géré la production pour la NBA de la dernière saison de Wemby en Europe : c’était un vrai accomplissement personnel de A à Z.
Des rencontres marquantes ?
Des déclics sont venus avec des rencontres. Lors du Final Four de Champions League, j’étais dans le même hôtel que les joueurs pendant une semaine. J’ai retrouvé l’ambiance camp de basket que l’on avait étant enfant.
J’ai rencontré plein de joueurs avec qui nos relations perdurent. C’est le cas de Chima Moneke, MVP du Final Four qui part ensuite en NBA. J’ai pu documenté son parcours, personne ne l’aurait fait.
© Pi'erre Haessik
Est-ce que les athlètes les plus photogéniques sont les plus performants selon toi ?
Je ne pense pas vraiment… C’est plutôt le caractère d’un joueur. On se rend compte de qui est la personne en off. Chima montre ses émotions sur et en dehors du terrain. Ça ne joue pas sur la performance, mais plutôt sur le rendu à la caméra.
Là encore le relationnel est très important. Si la personne ne te connaît pas, ça reste rare qu’elle montre ses émotions, ou qu’elle se comporte comme si on se connaissait devant ta caméra.
Est-ce qu’il y a un joueur qui t’a fait ressentir des émotions personnellement pendant que tu le photographiais ?
LeBron sans douter ! Ça reste un des derniers joueurs actifs que je voyais déjà petit. Il a une aura, un charisme, je pense que ça le ferait à tout le monde. C’est un privilège de le photographier.
C’est le cas avec d’autres légendes NBA. J’ai fait le retrait de maillot de Kevin Garnett l’an passé, j’ai grandi en voyant son jeu, ses duels légendaires : il est aussi très charismatique !
Ça ne me fait pas trop cet effet là avec les jeunes joueurs pour l’instant… Steph Curry est très impressionnant. Il n’est pas « charismatique », mais il a ce truc, il a quelque chose d’indescriptible qu’il faut absolument voir. Il met 50pts en 1 match mais en rigolant, c’est fou !
© Pi'erre Haessik
Est-ce qu’il y a une ou des photos qui t’ont marqué dans ton année ?
Pour ma seconde saison, je n’ai pas eu énormément d’accès forcément. Mais j’ai pu capturer la prise de tête entre Devin Booker et Luka Doncic dans l’un, si ce n’est le match de l’année selon moi.
Dans des émotions plus positives, j’ai une photo de Killian Hayes au match à Paris, où l’on ne voit que lui pendant l’hymne, les yeux fermés. C’était un gros moment.
Dernièrement, Wemby. Il vient d’être drafté, on sent que la pression est relâchée. Il est en larmes, c’est fort. Ça relève bien mes highlights de la saison.
As-tu des regrets ?
J’essaie d’avoir aucun regret. Si je devais en trouver un, ce serait de ne jamais avoir photographié Kobe Bryant. C’était mon idole. D’un côté, ça garde le mythe. Je ne l’ai jamais vu, photographié, c’est aussi bien comme ça. Mais je ne regrette pas.
À partir du moment où l’on photographie certaines personnes, comme LeBron, c’est un rêve qui s’accomplit mais ça casse un peu un mythe. On le voit comme un être humain. Il n’y a plus cette distance.
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Il ne faudrait donc pas atteindre ses rêves ?
Mon rêve était de vivre aux USA. Mais une fois ici, il fallait trouver un autre rêve ou objectif à poursuivre. Maintenant, je veux transmettre mon savoir-faire, mon expérience hors standard, comme j’aurais aimé qu’on le fasse avec moi petit. Mais je veux continuer d’apprendre. Je n’ai pas tout vu !
Arthur PUYBERTIER