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Anne Souyris :
Pollution au plomb
"Il faut qu'on passe de “on se révolte” à “on arrive à faire changer les choses”."

Anne Souyris, sénatrice et ancienne adjointe à la santé de Paris, revient sur l’affaire de pollution des sols par l’usine Exide. Elle dévoile pour MØNEO son combat, aux côtés des associations, contre la pollution des sols par le plomb et ses propositions de loi pour le bien de la santé publique.
Un message d’espoir qu’elle souhaite faire passer car : “on peut arriver à faire changer les choses”.

Que produit l’usine Exide et pourquoi pose-t-elle problème en termes de pollution ?

L’usine installée au sud de Lille produit des batteries et utilise du plomb depuis des dizaines d’années. Elle a longtemps pollué les sols alentour par les fumées chargées de particules de plomb qui s'en échappaient.

La pollution au plomb est un sujet majeur qu’on ne peut pas minimiser. Ça fait plus de 100 ans que tous les experts sont unanimes sur la question et pourtant, on continue de l’utiliser.

 

Comment avez-vous eu connaissance de l’affaire Exide ?

J’ai été contactée par les élus écologistes de Lille. Ils m’ont alerté sur le fait qu’ils restaient sans réponse de la part des autorités devant leur manque d’informations sur la quantité de plomb dans les sols.

Ils ont donc entrepris de réaliser les mesures eux-mêmes, avec l’aide d’experts. Ces mesures se sont avérées très inquiétantes avec une zone contaminée bien plus étendue que prévu.

 

A quoi doivent conduire les mesures du taux de plomb dans les sols ?

L’objectif est d’avoir des mesures précises sur des zones étendues pour pouvoir, par la suite, dépolluer et empêcher d’intoxiquer encore plus les personnes qui y habitent. Le plomb est présent dans toutes nos villes, que ce soit à cause de l’urbanisation ou par l’exportation des terres industrielles. C’est pour ça qu’il est important qu’on étende les études et qu’on pratique des plombémies systématiques en mesurant le taux de plomb dans le sang chez les jeunes enfants comme c’est le cas à New York. Cela permet de connaître l’impact de l’exposition au plomb, d’en mesurer les effets et de mettre en lumière la cause du problème.

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© Wikipédia

Quels engagements avez-vous pris sur la question du plomb ?

J’ai saisi la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière d’écologie et d’environnement pour lui demander de faire la lumière sur cette question. Il faut qu’il y ait des indications sur la dépollution, une information concrète et transparente sur le site de l’Agence Régionale de Santé (ARS) pour avoir une cartographie évolutive de ce qui est fait. Il faut aussi faire un défraiement pour les habitants qui pâtissent autant en termes d’économie que de santé.

Mon deuxième objectif a été de faire une proposition de loi pour fixer des seuils car il est difficile en France d’avoir des réponses claires.

En Europe, la question du plomb devait apparaître dans une directive qui a été repoussée. Il faut qu'on arrive à avoir deux piliers : un pilier français et un pilier européen pour aider à avoir des normes solides qui dépassent nos frontières.

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​Vous parlez du manque de seuil en France. Comment cela se traduit-il?

Quand Notre Dame a brûlé, le préfet a demandé à l'ARS le seuil de plomb limite dans les sols. Le directeur de l’époque Monsieur Rousseau a trouvé un seuil de 5000 mg/m² qui correspondait au taux normal à Paris observé par leministère de la Culture autour des bâtiments classés.

Il ne s’agit donc pas d’une norme mais d’une simple observation. Dans l’affaire Exide, le préfet a parlé de 1000 mg/m². Là-aussi un chiffre sorti de nul-part. Le Haut Comité de santé publique parle, lui, d’un seuil de 350 mg/m² avant une situation de danger sanitaire possible.

Les résultats des mesures autour de l’usine Exide dépassent dans tous les cas les seuils décrits par les autorités qui ne sont par ailleurs que des recommandations. C’est pour cela qu’il est important de mettre en place des seuils réels et de faire payer le pollueur qui a fortement pollué les sols.

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© RCF

​N’avez vous pas peur que votre proposition ne soit pas la priorité du nouveau gouvernement ?

Je suis sûre qu’ils vont placer cette proposition au second plan voire au troisième (répond-elle en riant). Ça ne sera pas une urgence au moment de voter le budget de l’Etat. Néanmoins, même si nous n’en avons pas l’impression, les politiques sont conscients de l’urgence de ces questions.

Les élus locaux, les associations et les habitants commencent eux-aussi à être prévenus de ce qu’il se passe. Il faudrait qu’il se produise quelque chose et qu’on passe de “on se révolte” à “on arrive à faire changer les choses de manière systémique et par des réglementations concrètes”.

 

Une conclusion éco-optimiste :

Avec les écologistes nous avons fait une proposition de loi pour interdire l’utilisation de polluants éternels (PFAS) que l’on retrouve dans beaucoup d’objets du quotidien. On nous a ri au nez et répondu que ça n’intéressait personne. Pourtant nous l’avons fait voter à l’Assemblée et au Sénat.

Il ne faut jamais désespérer de l’âme humaine. On peut arriver à faire de la démocratie. Ça demande beaucoup d’énergie mais on peut arriver à changer les choses.

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Louane Vergeau

Une : © Anne Souyris

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