Marie Chureau: "Les jeunes s'épuisent alors que les décideurs ne font rien ou même pire"
Activiste pour l'écologie et la justice sociale, Marie s'engage depuis cinq ans à côté de ses études auprès de différentes organisations d'ampleur autant locale qu'internationale. Elle revient avec MØNEO sur son parcours et ses derniers combats.
Je m’appelle Marie, j’ai 21 ans. Je suis étudiante et cela fait depuis 5 ans que je suis engagée pour l’écologie.
Comment as-tu décidé de t’engager ?
J’ai commencé par organiser les marches pour le climat dans ma ville, j’ai participé à développer le mouvement Youth for Climate. Ensuite, j’ai rejoint plein d’autres associations avec qui j’ai fait de la désobéissance civile par exemple.
Je fais également partie du comité de jeunes du groupe C40, un réseau mondial de villes et leurs maires pour voir comment chaque ville s’adapte au réchauffement climatique.
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À Doulon-Bottière, près de Nantes, la mairie prévoit de nouveaux logements sur une friche ; pourquoi t’y opposes-tu ?
La mairie a prévu de construire un éco quartier sur une ancienne terre maraîchère, qui est aujourd’hui une friche. Il y a un vrai manque de logement à Nantes, donc on peut comprendre l’intérêt d’en construire. Mais d’autres lieux ont déjà été artificialisés de l’autre côté de Nantes, on pourrait y construire des logements.
Les écoquartiers sont à la mode, alors que les classes populaires n’en bénéficient pas. C’est une fausse solution. La question de l’artificialisation des sols est un angle mort de la lutte écologique. Les terres disparaissent ! C’est l’équivalant de la surface d’un département français qui disparaît tous les 7 ans.
© Radio France
Que penses-tu du "plan eau" ?
Les solutions ne sont pas du tout suffisantes, notamment dans le domaine de l’agriculture. C’est le secteur qui consomme le plus d’eau : 48% de l’eau potable en France. Sachant que cela ne concerne que 7% des terres agricoles. Les méga-bassines posent un vraie problème de privatisation de l’eau car ces agriculteur.ices restent prioritaires sur l’utilisation de l’eau. Or l’eau est un bien commun et reste un besoin vital.
Et d’un point de vue de résilience face au changement climatique c’est incohérant. Rien que cet hiver, il y avait déjà des sècheresses. Donc aller puiser dans les nappes phréatiques en hiver pour avoir de l’eau en été, ça ne va bientôt plus fonctionner. Donc d’un point de vue purement technique ça ne fonctionne pas.
Surtout, ces terres en question sont utilisées pour cultiver du maïs. Or, c’est une céréale qui utilise énormément d’eau en été. 40% de la production de maïs en France est exportée, et le reste sert à nourrir principalement du bœuf qui a un impact énorme sur le climat.
Donc ce modèle agricole est incohérent et créer un cercle vicieux.
Scientifiquement aujourd’hui, une fois qu’on a détruit un sol, on n’est pas capable de le dépolluer et de faire revenir des espèces dessus.
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Tu as participé à l’organisation d’un week-end de défense de la forêt durant lequel l’autoroute A13 a été envahie. Comment sont organisés ces week-ends ?
C’était symbolique parce qu’on n’a rien contre cette autoroute dans l’absolu mais une nouvelle bretelle d’autoroute est prévue sur une forêt domaniale. Ce projet ne va pas bénéficier à « Monsieur et Madame tout le monde » mais au port du Havre qui va pouvoir envoyer plus rapidement des camions dans toute la France et inversement.
Pendant ce week-end, on a réalisé des balades avec des naturalistes et on a « armé la forêt » : On a construit des mares, pour y amener des tritons qui est une espèce protégée. On a mis des clous dans les arbres, sans dire où ils étaient précisément. C’est une technique qui est utilisée depuis très longtemps aux États-Unis. Ainsi, il est très compliqué et dangereux pour les ouvriers de couper les arbres.
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© yesilgazete.org
Est-ce que la mobilisation des jeunes, en manifestations par exemple, te donne de l’espoir ?
Oui clairement ! Le problème c’est est-ce qu’on aura le temps de mettre nos idéaux en place ?
On entend beaucoup de critique comme « les jeunes ne vont pas voter », mais manifester contre la réforme des retraites, faire des actions pour l’écologie, c’est aussi une forme d’engagement politique, ce n’est juste pas au sein d’un parti.
Quand j’avais 15/16 ans, on apprenait par cœur comment se passait une garde à vue, comment répondre. Je trouve ça hallucinant : des jeunes s’épuisent la santé mentale et physique parce que les adultes, qui ont plus de recul sur la situation et les décideurs qui sont censé être élus et rémunérés pour protéger la situation, ne font rien ou même pire.
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Aujourd’hui quelle est selon toi la mesure gouvernementale la plus cruciale à prendre pour lutter contre le changement climatique ?
Je pense que c’est de rétablir de l’égalité dans la société. Ça serait un très bon début de taxer les plus riches, car les 1% des plus riches sont responsables de plus de 50% des émissions de gaz à effet de serre. Et cela permettrait de financer des idéaux sociaux, typiquement la retraite et non la réforme des retraites.
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Quels conseils donnerais-tu aux personnes qui voudraient limiter leur impact environnemental ?
Les quatre mesures importantes sont : arrêter de prendre l’avion ; arrêter ou réduire drastiquement la consommation de viande et surtout de bœuf. La troisième : changer de banque. Car beaucoup de banques françaises investissent dans l’énergie fossile et c’est notre argent derrière qui finance ces projets. Les deux meilleurs, sont la Nef et le Crédit Coopératif. Et il y a l’appli Rift qui permet de comparer les banques et de changer de banque.
Et enfin, d’informer. Car on parle peut ou pas des « vrais enjeux » du climat. Donc rien que de lire des articles, d’en parler autour de soi est important.
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Rachel Ducept
Photo Une : Linkedin