Christopher Barbet :
"Même les régions 'épargnées par les catastrophes naturelles', ne le sont plus."
Depuis petit, Christopher Barbet observe le climat et la Météo en Normandie.
Ce passionné partage quotidiennement des bulletins météo pour l’ex Basse Normandie ; et ses clichés des phénomènes météorologique dans la région, sur un site et des réseaux suivis par +140.000 internautes.
Dans une période de dérèglement climatique indéniable, “Chris” du site météobassenormandie.fr fait part de ses observations et de ses inquiétudes.
Pour commencer, pouvez-vous expliquer votre activité ?
Je suis administrateur de Météo Basse-Normandie. J’ai créé les pages Facebook, Instagram et Twitter il y a 10 ans ; et le site internet il y a 5 ans. C’est un site d’informations consacré à la météo et aux phénomènes climatiques, en particulier dans l’ex Basse-Normandie.
D'où vous est venue cette passion ?
Ce n’est pas mon métier, je fais ça par passion. Dès petit, je réveillais mon père quand il y avait des orages pour les chasser avec lui. Je suis né dedans. En Normandie, nous avons un climat particulier, entre des hivers doux et des étés frais. La météo dans cette région n’est pas une science exacte (rire) !
Qu'est ce qui vous plaît dans la météorologie ?
La palette est tellement large que l’on pourrait en parler pendant des heures ! Cela peut aller du simple comme les dépressions, anticyclones ; jusqu’à El Nino, ou d’autres phénomènes plus spécifiques. Il n’y a pas de redite en météo.
Impacts de foudre en Normandie, le 24/08/2023. © Christopher Barbet
Ne voudriez-vous pas en faire votre métier ?
Forcément si je peux un jour vivre de ma passion, je signe tout de suite ! Je fais quelques enregistrements TV, Radio pour les antennes régionales de France3, France Bleu, NRJ et Tendance Ouest. Mais le débouché est mince et je n’ai pas de formation officielle…
Si je pouvais être journaliste ou correspondant sur le terrain ce serait avec plaisir !
Comment fait-on pour rendre plus fiable la météo ?
Il faut étudier plusieurs modèles, le plus possible, pour faire et fiabiliser nos propres prévisions. Chaque modèle est actualisé 3-4 fois par jour, mais il peut y avoir des surprises, des imprévus.
Pour ma part j’étudie 4/5 modèles que je regroupe, compare et mixe pour faire mes propres prévisions. En moyenne je suis fiable à 90/95 %, ce qui est correct.
Est-ce qu’il faut regarder le passé pour prévoir la météo ?
On ne fait pas de prévisions en fonction du passé mais plutôt des stats et comparaisons, comme sur les vagues de chaleur actuelles. On sent clairement qu’il y a un dérèglement climatique. Il fait de plus en plus chaud, il y a de plus en plus de catastrophes naturelles.
Pourtant beaucoup regrettent un été gris, pluvieux...
Si on a eu l’impression dans la moitié nord que l’été a été maussade, il faut rappeler que juillet et août 2023 sont les 2 mois les plus chauds enregistrés sur terre depuis les relevés météorologiques.
S’il n’a pas forcément fait beau, il a tout de même fait très chaud.
Halo solaire à Avranches en août 2023. © Christopher Barbet
Est-ce qu’il y a des tendances pour l’avenir ?
Ce qui est prévu, c’est qu’il pourrait y avoir de plus en plus de vagues de chaleur mais aussi de vagues de froid. Cela entraîne une multiplication des catastrophes naturelles comme en Grèce, des feux de forêt plus importants… Les catastrophes sont de plus en plus présentes mais elles sont aussi plus médiatisées ! Il y a toujours eu des catastrophes mais on en parle plus qu’avant, ce qui est malgré tout une bonne chose.
D’autant que les régions, d’ordinaire épargnées, ne le sont plus trop...
Les régions auparavant épargnées sont et seront de plus en plus touchées. Par exemple à Caen on a relevé 40,2°C l’été dernier ! Si on m’avait dit qu’il ferait 40°C en Normandie de mon vivant, je n’y aurais pas cru !
Le climat frais normand n’est plus. Début septembre la moyenne est de 33°C dans la région, soit +12°C par rapport à la moyenne !
Les jeunes, majoritairement soucieux du climat, sont-ils une clé ?
L’intérêt de jeunes pour la météo est primordial pour la planète. On est en surchauffe globale, les océans se réchauffent alors qu’ils doivent refroidir l’atmosphère… C’est important pour les années à venir qu’ils soient investis.
Faites-vous face à du climato-scepticisme ?
Oui beaucoup en off. Je reçois beaucoup de commentaires climato-sceptiques. Je n’y réponds pas car c’est un dialogue de sourd. Ils défendent leur paroisse pendant que je défends la météo, les observations et la science. Chacun son choix...
Tuba observé dans le Cotentin en août 2023. © Christopher Barbet
Avez-vous fait des observations marquantes dans ce sens ?
J’ai 3 dates en tête : la tempête de 1999, la vague de froid de 2013 avec un record d’enneigement de 30-40cm dans les rues de Caen, et les 40°C atteints en Normandie en 2022.
Ces 3 événements résument parfaitement ce qu’il se passe avec le dérèglement climatique : on peut avoir tous les extrêmes : tempêtes de vent, sécheresse, vagues de froid, de chaud...
J’imagine que vous êtes inquiet…
C’est très inquiétant. Je suis le premier à chasser les orages mais à chacun d’entre eux on risque l’inondation, tant les sols sont secs.
La race humaine dégrade les sols en supprimant des haies, bitumant des sentiers et les villes.
La végétalisation des villes n’est pas suffisante. J’attends avec impatience mais peu d’espoir la COP28. Chaque sommet a son lot de paroles pour très peu d’actes…
Quels genres d’action aimeriez vous voir mis en place justement ?
Des actions qui touchent à l’industrie par exemple, les usines polluant beaucoup. Il y a aussi les transports. On nous dit d’acheter électrique, d’acheter un vélo, de remplacer les trajets en avion mais il n’y a pas forcément de moyens mis en avant…
L’inaction accélère le dérèglement climatique.
Il n’y a pas de petits efforts. Il faut baisser le chauffage de quelques degrés si ce n’est pas déjà fait, mais cela reste minime comparé aux émissions des USA ou de la Chine.
Arthur PUYBERTIER
Photo de Une : © Christopher Barbet