Axel Santé :
"Quand on découvre l’envers de la filière STAPS, on sait qu’il faut travailler pour réussir."
Enseignant en Activités Physiques Adaptées et Santé, Axel est aussi créateur de contenu sur les réseaux sociaux où il donne des conseils santé, étude, et tourne en dérision les clichés de la filière STAPS.
Il raconte pour MØNEO cette double casquette, mais aussi les clichés autour de sa filière et le mouvement STAPS Oubliés alertant de la situation en STAPS.
Je m’appelle Axel, Axel Santé sur les réseaux sociaux. J’ai fait des études de STAPS au Mans, une licence et un master Activités Physiques Adaptées et Santé. J’ai fait un DU Sport et cancer pour me spécialiser dans l’activité physique chez les personnes atteintes de la maladie. Je suis enseignant APA.
Puis je me suis lancé comme autoentrepreneur et sur les réseaux sociaux pour montrer ce qu’est un enseignant APA, la filière STAPS, pour la défendre et la mettre en avant, mais aussi parler santé, muscu, pilates… C’est un support de crédibilité et de visibilité pour mon activité en quelque sorte.
N'est-ce pas chronophage cette double vie ?
C’est bien trop chronophage mais j’ai toujours été habitué à bien trop travailler (sourire). Je travaillais 60-65h sur six jours mais aujourd’hui j’arrive à faire des semaines de 40h de travail effectif, auquel s’ajoute la création de contenu qui prend 15 à 20 heures par semaine : des semaines intenses mais passionnantes !
Tu tournes en dérision la profession de prof de sport et les clichés de la filière STAPS. As-tu déjà souffert de ces critiques ?
Souffrir est un grand mot, mais on sait ce que l’on pense des étudiants STAPS, des soirées STAPS, on a tous entendu « vous faites rien en STAPS », « vous faites que du sport »…
Il y a trop de clichés véhiculés, mais quand on commence à leur montrer notre programme, notre emploi du temps, ils comprennent que c’est pas de la rigolade même si on est loin d’être la pire Fac. C’est important de vulgariser ça sur les réseaux, l’humour est peut-être le plus efficace pour ça.
Ces clichés existaient déjà il y a 20 ans d’après les commentaires que je reçois. En être encore là en 2024, c’est quand même dingue…
Est-ce que cela vient d’une méconnaissance de la filière ?
Quand j’ai commencé mes études, on était déjà catégorisé comme des sportifs, qui n’ont pas de cerveau, ne font pas d’études poussées… Mais seulement la moitié des premières années passe en deuxième année ! Quand on découvre l’envers du décor, on sait qu’il faut travailler pour réussir.
© Axel Santé
La filière STAPS souffre-t-elle toujours d'un complexe d'infériorité par rapport aux autres selon toi ?
Oui quand même ! à discuter avec des étudiants d’écoles privées, je remarque que ce n’est pas seulement la filière STAPS mais bien l’Université qui a mauvaise réputation.
Est-ce que tu reçois des messages d'étudiants qui hésitent à se lancer en STAPS ?
J’en ai de plus en plus. Mon contenu paraît aussi sur TikTok où le public est plus jeune. Il y a des échanges entre jeunes qui finissent par me contacter directement. Des premières, terminales, qui ne demandent qu’à être mieux informés sur la filière. Plus qu’un influenceur, je pense devenir un tuteur de stage, un référent vers qui on peut se diriger pour avoir des réponses.
Est-ce qu’il y a un conseil qui ressort assez régulièrement ?
Beaucoup s’inquiètent de la difficulté. Ce n’est pas forcément plus dur que le lycée, c’est une continuité. Il y a sûrement moins de cours mais il faut se montrer autonome, indépendant dans les révisions.
As-tu eu des retours de la direction, de tes collègues et même des étudiants par rapport à ton activité extrascolaire ?
J’ai commencé à enseigner, puis certains étudiants m’ont découvert comme créateur de contenu ensuite. Au début c’était rigolo pour eux puis ils se sont mis à me soutenir, à comprendre que le message véhiculé est pour nous faire connaître et reconnaître.
Je continue d’avoir du soutien, mais certains me connaissent plus comme créateur de contenu que comme prof ! De la part des collègues, le fait de « s’exposer aux yeux du monde » a donné des messages bien passés, super bienveillants.
Est-ce que ce double métier t’a ouvert ou fermé certaines portes ?
Fermé non. Pas pour l’instant en tout cas. Peut-être que certains penseront que je fais le clown sur les réseaux et qu’ils ne voudront pas de moi dans leur entreprise.
Mais ça m’a ouvert beaucoup de portes ! Pour des séminaires, des propositions de salon, d’intervention dans des conférences… ça en a ouvert beaucoup !
As-tu suivi le mouvement STAPS oubliés étendu à toute la France depuis 2017 ?
Je l’ai suivi de près car le mouvement a commencé à faire du bruit au moment où je venais d’être diplômé. J’avais des stagiaires qui étaient en plein dedans ; et en donnant des cours à droite à gauche j’ai vécu les gros rassemblements, tout le monde était habillé en noir devant les préfectures, à réclamer plus de moyens ou plus de profs.
J’ai pu suivre ça avec proximité, mais il y avait encore moins de bruit que maintenant grâce aux réseaux sociaux. Avec tous les comptes de BDE, de l’ANESTAPS, un compte dédié au mouvement : ça permet d’avoir plus de visibilité sur ce qu’ils demandent et ce qu’ils ont déjà pu obtenir !
© Axel Santé
Pas de chauffage, infrastructures vétustes… As-tu vécu toi-même du manque de moyens à ton travail ?
Les conditions sont beaucoup plus chaotiques depuis la COVID. Beaucoup d’étudiants ont souffert de la distance, de l’isolement, on a tendance à plus montrer ce qui ne va pas pour éviter de nouvelles souffrances…
J’ai débuté STAPS en 2013, cela coûtait moins cher qu’aujourd’hui mais il y avait déjà de grosses problématiques. Mais personne ne disait trop rien comme si c’était entré dans les mœurs alors que cela engendrait pas mal de frais… Devoir prendre la voiture pour aller à un gymnase à l’extérieur de la fac. Acheter son propre matériel, des chaussures à pointes pour la course, son propre kimono ou baudrier pour l’escalade : on pouvait les revendre ensuite ou partager à deux le coût mais cela engendrait pas mal de frais.
C’est très bien qu’ils pointent du doigt ce qui ne va pas ou ce qui pourrait être mieux en proposant des solutions.
5.4 millions d'euros ont été débloqués pour la filière en 2022. Est-ce suffisant, et est-ce que tu as pu voir des améliorations ?
Je ne sais pas ce que ça peut représenter. À l’échelle du Mans, il y avait des demandes de postes d’enseignants car il y avait bien trop d’élèves pour chaque prof. Ils avaient obtenu gain de cause grâce aux manifs. Mais ils demandaient tellement de choses que c’était difficile d’obtenir tout, malheureusement.
Ils ont obtenu plus de profs mais le nombre d’étudiants qui entrent ne cesse d’augmenter, c’est un cercle sans fin…
Que faudrait-il pour que les conditions soient idéales ? Plus d’emploi, de sélectivité à l’entrée ?
On aimerait donner l’accès à tous. Mais dès la première année 50 % échouent, arrêtent, ou changent de filière. Il faudrait commencer par mieux informer les étudiants sur Parcoursup pour qu’ils soient sûrs de leur choix, quel qu’il soit. Avec des campagnes d’info, des médias de communication, davantage d’interventions en plus des salons…
© Axel Santé
Est-ce que ça te fait plaisir ou t'étonne de voir les élèves se mobiliser à ce point ?
C’est franchement bien ! Il y a des sacrées assos, des sacrés BDE qui font des choses pour leur filière ! Il y a tellement d’étudiants en STAPS, tous assez d’accord sur les conditions d’études, qu’avoir un mouvement national fait énormément de bruit ! Il faudrait réitérer les grandes vagues noires dans les grandes villes pour à nouveau obtenir gain de cause.
Comment vois-tu ton futur ?
Dans l’idéal, j’aimerais que cette part de création de contenu devienne un métier, donc me rémunère. Pour l’instant c’est un passe-temps très chronophage et bénévole. Il faudrait créer un business derrière avec des coachings, formations en lignes, e-books, e-learning, des partenariats…
Cela fait un an et demi que j’ai commencé, les portes vont continuer à s’ouvrir. Si la création de contenu commence à devenir rentable, peut-être que je dédierais une journée entière à cela. Mais je ne sacrifierai pas mon travail, que j’aime, pour ça.
T’attendais-tu à cette montée fulgurante et au travail que ça implique ?
J’ai pu voir la charge de travail avec des comptes lancés pendant le confinement qui ont voulu continuer. C’est beaucoup de travail d’autant que l’on est beaucoup moins exposé que des kinés comme Major Mouvement qui a un public beaucoup plus large.
Je suis dans une niche. 95 % des gens ne connaissent pas le métier d’enseignant APA. Faire 0 à 10 000 abonnés en 1 an et 3 mois c’est bien, mais des kinés l’ont fait en moitié moins de temps. L’algorithme est imprévisible, c’est une vraie roulette russe !
Quelle est la suite pour toi ?
À très court terme, continuer à faire du contenu régulièrement, tout en enseignant au STAPS, transmettre des connaissances, faire des conférences. Et pourquoi pas plus tard faire de grands événements avec des créateurs, avoir une chaîne YouTube. Tout le monde a commencé petit, on ne sait pas quelle ampleur cela peut prendre ! Mais j’aime trop le terrain pour m’en éloigner !
Arthur PUYBERTIER