Brigitte Mainguet :
"L'objectif des thérapies est de transformer le stress en allié, plutôt qu'en ennemi."
Du 7 au 20 octobre, a eu lieu la 35ème édition des SISM (Semaine d’information sur la santé mentale) sur la thématique : « En mouvement pour notre santé mentale ». Cette période arrive à un moment de l’année scolaire où le stress a tendance à revenir avec de nombreuses échéances qui se dessinent. Le stress au travail et à l’école, est un des sujets de prédilection de Brigitte Mainguet, doctorante en psychologie, enseignante-chercheuse à la Faculté des sciences du sport de Lille, responsable de la L3 APAS (Activité physique adaptée et santé) et assesseur de licence STAPS.
Qu'est-ce que le stress et comment se manifeste-t-il chez les élèves et les employés ?
Le stress, c’est un état biologique et émotionnel qui déséquilibre l’organisme et qui va avoir des manifestations comportementales, physiologiques et puis psychologiques. Il peut se manifester très différemment selon les individus, qu’ils soient enfants ou adultes. L’adulte va en prendre connaissance et l’expérimenter, l’enfant parfois ne sait pas reconnaître qu’il est stressé. Le stress est un déséquilibre, une sorte « d’attaque » pour l’organisme, ce qui explique qu’on parle parfois de « stresseurs physiques » : un microbe ou une mauvaise météo, par exemple, peuvent déséquilibrer l’organisme et fragiliser la santé physique. Il existe aussi les « stresseurs psychologiques », souvent liés à un événement ou une situation comme une compétition, un devoir, ou un entretien.
Comment fonctionne le stress chez l’individu ?
Il y a trois grandes phases d’alarme dans le stress. Dans la première, les fréquences cardiaques et respiratoires augmentent, on produit plus de neuromédiateurs (N.D.L.R : médiateur chimique assurant la transmission d’un message nerveux), comme l’adrénaline, ce qui nous rend plus attentifs. Ce stress initial peut même être bénéfique, par exemple chez les sportifs, en augmentant leurs capacités de défense. Ensuite, vient la phase de résistance : l’organisme lutte, mais comme le stress dure, des émotions négatives apparaissent – colère, tristesse, sentiment d’égarement, culpabilité. Enfin, la dernière phase est celle de l’épuisement. L’organisme, à force de lutter, n’a plus de réserves : il est épuisé. Si le stress persiste, il peut mener à un trouble anxieux généralisé et, parfois, à des pathologies mentales comme l’anxiété ou la dépression. L’objectif des thérapies est de transformer le stress en allié, plutôt qu’en ennemi.
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Comment le stress peut-il affecter les performances académiques des étudiants ou la productivité au travail ?
C’est dans la phase de résistance où l’individu va perdre ses moyens car il n’y arrive pas, il y a un état de panique qui se met en place et là, la vigilance, l’attention physiologique fait un peu « n’importe quoi ». En fait, le stress amène à l’erreur.
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Quelles sont les principales causes de stress dans le cadre scolaire et professionnel ?
Dans le cadre scolaire, il peut s’agir de la pression parentale ou de celle de l’enseignant. Ça peut être la comparaison avec les autres, parce que dès que l’être humain réalise une tâche avec quelqu’un, et c’est ce que montrent les travaux en psycho-social, il y a un phénomène de compétition induit qui se met en place. Donc de façon naturelle, il cherche à vouloir faire mieux : se met son état de pression parfois tout seul. Une mauvaise ambiance de classe peut également être source de stress. Au travail, la pression est souvent liée à la réussite sociale, à la productivité, à la rentabilité ou à la performance de l’entreprise. Avec l’informatique et les réseaux sociaux, on traite les informations de plus en plus vite, ce qui entraîne une surcharge mentale. Or, on n’est pas des machines, et cette surcharge mène souvent à l’épuisement, voire au burn-out.
© Pexel
Quelles stratégies recommandez-vous aux enseignants pour aider les élèves à gérer leur stress ?
Parmi les techniques simples, il y a la respiration ventrale, qui active le système parasympathique (ndlr : il ralentit les fonctions de l'organisme dans un objectif de conservation de l'énergie). La pratiquer, permet de relâcher les tensions. Il existe aussi des exercices de « switch », où l’on apprend au cerveau à dire stop en remplaçant une image désagréable par une positive. Dans les thérapies plus longues, on apprend à fixer des objectifs et à hiérarchiser les priorités de la journée ou de la semaine. Mais l’élément essentiel reste le lâcher-prise : « j’accepte que je ne pourrai jamais tout faire, que j’ai mes limites, mes capacités. »
Quelles sont les techniques que vous utilisez en tant que professeur pour que vos élèves soient moins stressés ?
Les étudiants apprennent des techniques de relaxation et de méditation, mais cela commence en troisième année, car les cohortes des premières années sont trop nombreuses. À l’Université, nous avons des salles de repos, en accès libre sur réservation. Nos étudiants participent aussi à des travaux pratiques en méditation et découvrent différents types de relaxation.
Quels outils ou techniques recommandez-vous pour gérer le stress au quotidien, dans ou hors du cadre académique ?
Je recommande des vidéos accessibles sur YouTube, comme celles de Christophe André. La tonalité de la voix est essentielle en relaxation et méditation, et je conseille mes étudiants à ce sujet. Pour les enfants, « Calme et attentif comme une grenouille » est un excellent outil, que je recommande aux parents, avec des postures de yoga pour évacuer la colère. Il est aussi utile de faire le point sur sa journée avant de dormir, en finissant sur une pensée positive.
Est-ce que vous avez mis des choses en place que vous avez vous-même inventées ou seulement appliqué ce que vous avez appris lors de vos études ?
Non, je n’ai rien inventé, mais j’ai beaucoup lu et expérimenté. Je pense que chacun se crée ses propres outils en s’inspirant de divers éléments et pratiques accessibles à tous.
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Louise Boudier